"La nuit introuvable"
"La nuit introuvable"
de Gabrielle Tuloup
en librairie depuis le 1er Février 2018
160 pages 16€
Sujet :
Lorsque Nathan Weiss, 40 ans, expatrié en Slovénie, reçoit un appel téléphonique d’une inconnue, Jeanne Silet, il apprend que sa mère Marthe souhaite le revoir. Cette mère qu’il a oubliée à force d’indifférence depuis le décès de son père.
C’est ainsi que Nathan retrouve Marthe à Paris, atteinte d’Alzheimer, ne le reconnaissant plus vraiment. Mais, avant que la maladie n’ait progressé, elle avait confié huit lettres à Jeanne, avec pour instruction de les remettre à Nathan selon un calendrier précis. Nathan se sent manipulé par ce jeu qui toutefois va l’intriguer dès l’ouverture de la première lettre.
Ces textes d’une mère à son fils, d’une poignante sincérité, vont éclairer Nathan sur la jeunesse de Marthe, sur le couple qu’elle formait avec son mari Jacques, sur la difficulté qu’elle avait à aimer ce fils envers qui elle était si froide.
Tandis qu’il découvre ce passé familial, Nathan se débat avec ses amours impossibles, sa solitude, ses fuites.
Et si la résolution de ses propres empêchements de vivre se trouvait dans les lettres que Marthe a semées pour tenter de réparer le passé ?
Gabrielle Tuloupest née en 1985.
Elle a grandi entre Paris et Saint Malo. Championne de France de slam en 2010, elle est maintenant professeur agrégée de Lettres et enseigne en Seine-Saint-Denis.
EXTRAIT :
Janvier 2013
Tu pensais peut-être que l’on s’oublierait. Rien n’est moins sûr, même si c’est bien parti. Il y a une dizaine de jours je me suis rendue chez le médecin, accompagnée de Jeanne, qui a dû te contacter récemment. Elle n’a pas eu à insister. Depuis quelque temps la vie est parfois un peu floue. J’ai du mal à distinguer hier d’avant-hier, et les mots qui ont une consonance proche prennent un malin plaisir à jouer à cache-cache les uns derrière les autres. Évidemment il y a des ruses, noter l’heure des rendez-vous, ne pas oublier sa liste de courses, trouver un synonyme quand le mot juste file dans un recoin du cerveau. On peut toujours réussir – pour un temps, du moins – à garder haute cette tête qu’on finira par perdre tout à fait. On peut s’arranger, comme je l’ai fait, pour remballer les angoisses loin derrière le décor et faire bonne figure. Mais j’en ai fini avec les précautions. Elles t’ont éloigné à des milliers de kilomètres, avant même que tu déménages pour la Slovénie.
Jeanne a choisi un médecin charmant. Il a fait tous les examens nécessaires. Le diagnostic n’a surpris personne. Puisque Alzheimer a choisi d’élire domicile dans mes souvenirs, j’ai décidé d’être polie : j’ouvre la porte.
[...]
Je n’irais pas jusqu’à mettre un de ces paillassons « Welcome » devant ma porte, mais au fond, qu’il s’essuie bien les pieds en entrant, je m’en lave les mains. Tu vois, je signe le bail. Vieille déformation professionnelle, me diras-tu, cette manie des contrats. J’accélère simplement la procédure. Je cède mes parts, en priant pour que le nouveau propriétaire s’attaque d’abord aux recoins sombres. Qu’il me laisse la lumière. Le plus longtemps possible le visage de ton père et le tien. Le plus longtemps possible ton prénom que nous avons choisi ensemble.
Mon avis :
Une écriture simple, limpide... j'ai tout de suite accroché à ce roman et à sa part de mystère.
Les liens familiaux, les souvenirs, la mémoire... autant de thèmes abordés qui peuvent faire écho à bon nombre d'entres nous.
On reste captivé à cette histoire, à ces courriers que l'on découvre au fur et à mesure de ce roman.
Il est très touchant de découvrir les mots d'une mère à son fils juste avant que la mémoire ne flanche.
Parfois ce que l'on prend pour de la distance est juste une manière de se protéger.
Voilà donc un très bon premier roman que je vous recommande.